Abstract
Monica Mulrennan et Colin Scott explorent, dans leur article «Go-management-An Attainable Partnership?», deux expériences de régimes de cogestion, l'un en place depuis plusieurs décennies dans le nord du Québec et l'autre mis sur pied plus récemment dans le détroit de Torres au nord de l'Australie. [Dans] l'exemple portant sur la Baie James, ils fournissent un compte rendu détaillé expliquant comment un régime de cogestion négocié et approuvé dans le contexte de litiges autochtones contre l'État est systématiquement subverti par les gouvernements, et ce, à chaque fois qu'il entre en conflit avec les industries et les groupes d'intérêts puissants, ou avec les intérêts de la bureaucratie d'État elle-même. Dans le détroit de Torres, où la cogestion est moins bien développée, ils ont observé des contraintes similaires sur l'efficacité, hormis lorsque les peuples autochtones se mobilisent politiquement ou entreprennent une action directe. Ils soutiennent que l'insistance des États pour s'assurer le monopole de l'autorité mène à des schémas de coercition systématique dans les rapports entre l'État et les autochtones, et se demandent si l'efficacité de la cogestion dépend de la capacité des acteurs autochtones à remettre continuellement en cause les desseins du gouvernement central ou à les freiner dans d'autres domaines. Ces auteurs présentent un sombre tableau de deux régimes de cogestion qui ont été mis sur pied ou déployés au travers de luttes, mais qui ont par la suite été subvertis alors même qu'ils étaient formalisés et établis pour une longue durée, exception faite des cas où les collectivités locales ont continué à défier l'État. La cogestion est un champ de recherche interdisciplinaire, et les chercheurs en cogestion emploient des concepts et des méthodes tirés d'une vaste gamme de disciplines académiques et de sciences appliquées. Ceci se reflète dans les articles de cette parution, où les auteurs adoptent des cadres d'analyse provenant de l'anthropologie, de l'écologie de la conservation, des études environnementales, de la géographie, du droit, des sciences politiques, de l'histoire et de la gestion de ressources. [Harvey A. Feit], par exemple, puise dans Fethnohistoire, la gestion de ressources, les analyses des pratiques bureaucratiques et, comme plusieurs autres auteurs, dans les analyses postfoucauldiennes de l'État. Goetze adopte, entre autres modèles analytiques, la gestion de conflit, la «confidence building theory» et la reconnaissance légale internationale des droits des peuples autochtones. Par ailleurs, la recherche en cogestion est étroitement liée à la recherche appliquée, et donc son style, ainsi que sa force, découlent le plus souvent de l'accent qu'elle met sur son application et de sa pertinence au niveau des politiques. Ainsi, l'un des éditeurs de ce numéro (Spaeder) détient un doctorat dans le champ interdisciplinaire de l'écologie humaine (Spaeder 2000) et travaille, depuis l'obtention de son diplôme, dans le domaine de la recherche appliquée en cogestion de la faune et des pêches, en connaissances écologiques traditionnelles et en ethnogéographie. Il emploie dans son travail des cadres d'analyse provenant de l'écologie de la faune, la gestion des ressources de propriété commune, l'analyse institutionnelle et l'écologie politique. À l'instar de plusieurs autres chercheurs dans ces domaines étroitement reliés (Goetze 2005; Pinkerton et Weinstein 1995; Poffenberger 1996; Usher 1995), il concilie la recherche appliquée et la publication de textes académiques. En tant qu'éditeurs, nous souhaitions inviter des auteurs à développer des analyses qui stimulent la production académique et les débats fondamentaux en anthropologie, mais qui puisent également dans les diverses traditions interdisciplinaires de la cogestion.